A temps de travail égal, salaire inégal : les femmes gagnent près de 15% de moins que les hommes
In La Tribune du 6 mars 2024 (extraits)
Les inégalités salariales entre femmes et hommes persistent. Alors que l'écart de salaire s'établit à 4% à poste comparable, il a atteint près de 15% à temps de travail égal en 2022, d'après la dernière étude de l'Insee dans le secteur privé. Et même plus de 23% lorsque l'on regarde le revenu salarial moyen.
« Nous sommes socialisés pour penser que l'argent est moins important pour les femmes que pour les hommes », note Clotilde Coron, Professeur des universités à Paris Saclay. Les femmes ont ainsi tendance à davantage s'auto-censurer et à estimer qu'elles méritent moins.
Cet écart s'accentue donc lorsque l'on regarde le revenu salarial moyen, qui mesure la rémunération nette effective. Celui des femmes est inférieur de 23,5% à celui de leurs homologues masculins en 2022. Une légère réduction par rapport à 2021 (24,4%). Une différence qui repose en partie sur « les différences de volume de travail moyen », précise l'Insee. Autrement dit, les femmes sont moins souvent en emploi au cours de l'année et travaillent davantage à temps partiel, qu'il soit choisi ou subi.
En effet, « les femmes sont surreprésentées dans le temps partiel, et cela évolue peu, à cause de l'incompatibilité entre le fait de s'investir dans sa vie familiale et s'investir dans sa carrière », pointe Clotilde Coron. Il peut être difficile pour certaines femmes d'être davantage disponibles, de partir par exemple en déplacement du fait de leur vie familiale. « Le temps partiel peut également découler de la répartition des tâches domestiques dans les couples hétérosexuels qui a peu évolué », souligne-t-elle également. Les femmes ont donc moins de temps à consacrer à leur carrière pour s'occuper des tâches domestiques, ce qu'il fait qu'elles gagnent moins que les hommes.
« Et lorsqu'un des deux conjoints doit se mettre en temps partiel pour s'occuper par exemple des enfants, on va économiquement privilégier la femme, car elle gagne moins », argue l'experte, « c'est un phénomène qui s'autoentretient ». »
Enfin, à temps de travail égal, l'écart de salaire moyen en équivalent temps plein est réduit à 14,9% contre 15,5% en 2021. Un écart qui s'explique notamment par « la ségrégation genrée des métiers », analyse Clotilde Coron. C'est-à-dire que les hommes et les femmes ne vont pas exercer les mêmes métiers, travailler dans les mêmes secteurs ou entreprises en fonction de leur sexe. Les femmes sont surreprésentées dans les métiers de secrétaires, employées administratives ou encore nettoyeuses. Alors que les hommes le seront en tant que conducteurs routiers ou bien ingénieurs informatiques...
Les écarts salariaux vont également varier selon le secteur d'activité, la taille de l'entreprise ou encore l'âge. En prenant le salaire net en équivalent temps plein, les hommes de moins de 25 ans gagnent 4,7% de plus que les femmes de la même tranche d'âge. Un écart qui va s'intensifier avec l'âge pour atteindre 26,1% pour les personnes âgées de 60 ans ou plus.
Concernant la catégorie socio-professionnelle, les écarts les plus importants concernent les cadres, 15,7%, alors que l'écart sur le volume de travail entre les deux sexes au sein de cette catégorie n'est « que » de 4,3%. Par ailleurs, les inégalités vont également s'accroître en fonction de la taille de l'entreprise. Ainsi, l'écart de salaire en équivalent temps plein est de 7,9% pour les entreprises de moins de 10 salariés, contre 18,2% pour les entreprises de plus de 5.000 salariés.
La ségrégation professionnelle joue aussi sur le niveau de hiérarchie des femmes. Elles vont être sous-représentées parmi les plus hauts salaires. Parmi les 1% de salariés les mieux rémunérés, elles ne représentent plus que 22,8% des effectifs.
Qui plus est, les écarts de salaires en équivalent temps pleins s'accroissent en fonction du nombre d'enfants. « Ces différences proviennent à la fois de la baisse de salaire observée après la naissance mais aussi des carrières durablement ralenties des mères », pointe l'étude de l'Insee.
Du mieux tout de même malgré ces inégalités persistantes. En 1995, l'écart de salaire net en équivalent temps plein était de 22,1%. Une amélioration, donc, de 7,2 points en presque 30 ans. Parmi les facteurs explicatifs, l'Insee souligne notamment l'augmentation des femmes cadres, mieux rémunérées que les autres salariés du secteur.
L'écart de volume de travail s'est également réduit : de 14,9% en 1995 à 10,1% en 2022. Le revenu salarial moyen était donc inférieur de 34% à celui de leurs homologues masculins entre 1995 et 2001 avant d'amorcer une décrue d'en moyenne 0,5 point par an puis de 2,2 points entre 2019 et 2022. Il n'y a donc plus qu'à espérer que cette tendance se poursuive...
Et ce n'est pas fini...